dimanche 7 mai 2017

Yo! Tête de moine!

Hier, je me suis rendue à la fête de la tête de moine, chez nos voisins Helvètes. Ce fromage à pâte pressée mi-cuite (comme l'abondance, et presque comme le comté) est fabriqué depuis le Moyen-Âge autour de l'abbaye de Bellelay, dans le Jura Bernois (c'est au nord du lac de Neuchâtel).

La vue depuis la charmante ville de Neuchâtel, on devine les sommets alpins en face.
Il faisait encore beau...


La fromagerie historique est située dans l'ancienne grange de l'abbaye.
C'est ici qu'ont lieu les démonstrations de fabrication.

Avant d'assister à la fabrication, je suis passée à l'abbatiale (ps pour maman: ce sont des Prémontrés qui se sont installés ici, au milieu de nulle part, n'ayons pas peur de le dire... Comme à Prémontré, l'abbaye a été recyclée en asile jusqu'aux années 70.)
Y était présentées des sculptures de fromages réalisées par Marc Janin, un des meilleurs ouvriers de France 2015.









Puis c'était l'heure de la fabrication: le fromager fabrique de la tête de moine depuis plus de 50 ans. Après fermentation à 32°, il laisse agir la présure 20 à 25 minutes pour faire coaguler le lait - cru et entier, avant de décailler et chauffer le caillé (objectif: atteindre 48-50° selon la météo) en brassant 35 minutes. Pour la démo, le chauffage se fait au feu de bois. Toutes les AOP suisses sont fabriquées dans des chaudrons en cuivre: ils participent ainsi à la typicité des fromages, au développement du goût et à leur conservation.




Le caillé sera ensuite pressé dans des moules en inox micro-perforés (on retrouve les traces de ces petits trous sur la croûte). 



A la fin, on obtient une pâte mi-dure, cylindrique (10-12 cm de diamètre pour 700-900 gr) qui sera affinée au minimum 55 jours sur planche d'épicéa. La cuvée "réserve" est affinée 4 mois, et présente plus d'intérêts gustatifs à mes yeux.


La tête de moine est aujourd'hui fabriquée dans 8 fromageries autour de Bellelay, et fait vivre 240 agriculteurs. Les vaches ne mangent que du fourrage vert (l'ensilage est interdit). La production annuelle est de 2.380t (+ de 10 fois moins celle du gruyère suisse - 29.000t), dont plus de 65% part à l'export. Nous sommes les 2èmes consommateurs (35% des exportations contre 40% pour les Allemands).

Avant de partir, je me suis sacrifiée pour participer au concours d'appréciation de ce fromage à la dégustation unique: celui-ci se consomme en effet sous forme de fleurs (retournez voir la photo "marché aux fleurs"), que l'on réalise avec un outil spécifique, une girolle.


vendredi 5 mai 2017

La ferme Miramon - Béarn


Régine et Jean-Louis ont repris l'exploitation des parents de celui-ci à Bedous, dans la vallée d'Aspe, il y a une vingtaine d'années, après avoir travaillé indirectement dans le monde agricole (chambre d'agriculture et Crédit Agricole). Ils travaillent tous les deux sur l'exploitation accompagnés d'une salariée et d'un apprenti.

Ici, Régine fabrique des PPNC (1200 tommes de 4.5kg d'Ossau-Iraty dans l'appelation et hors AOP, 800 tommes mixtes - une spécificité de la vallée d'Aspe-, et 300 tommes au lait de vache), le Moussec (un lactique au lait de brebis format camembert), des yaourts (brebis et vache) et s'essaye au bleu., le tout au lait cru, évidemment. Elle a appris le métier de façon empirique, avec son beau-père.


Le délicieux Moussec!


Régine et Jean-Louis font partie des rares producteurs béarnais à être rentrés dans l'AOP. La plupart refuse car ils ne veulent pas être associés aux industriels et au lait pasteurisé autorisé pour la fabrication. Ils font construire en ce moment une grange pour sécher le foin, car leur objectif est de nourrir le troupeau en autonomie. Ils complètent l'alimentation avec un peu de maïs et des tourteaux de colza sans OGM. L'été, ils confient leurs brebis à Maxime et Barbara Bajas, qui les montent en estive (ces derniers sont "payés" en gardant pour eux les fromages qu'ils fabriquent), ce qui libère Jean-Louis pour la période cruciale des foins (en mai-juin, avec 2 ou 3 regains jusqu'à fin août) et Régine pour la commercialisation.

La belle-mère de Régine tient tous les matins une boutique dans le village où ils écoulent une partie de la production (ici, les tommes de vache et mixtes correspondent à une demande locale, quand on mange du brebis pour une occasion particulière). L'autre partie est expédiée chez des crémiers. 




















Le troupeau se compose de 10 Montbéliardes, et 180 Basco-Béarnaises, sur 45 hectares (seulement 12 à plat pour les cultures, le reste est pentu et sert au pâquage et à la fauche).

- les vaches sont inséminées artificiellement en novembre-décembre pour des mises bas en septembre et un tarissement synchronisé
- les brebis sont inséminées en juin (artificiellement ou en monte naturelle par les béliers de l'exploitation), pour des mises bas 5 mois après, en octobre. Elles ont une période de tarissement de 5 mois.
Pour Régine, une bonne brebis n'est pas forcément une grosse productrice, mais elle est régulière et robuste, avec de belles cornes et une bonne durée de vie (10 ans en moyenne ici). Elles ne sortent pas du tout de décembre à février.
La journée type d'une brebis chez les Miramon:
6h: petit déjeuner
traite
8h: re-petit déjeuner
11h30-17h: sortie
18h: traite puis dîner, et hop, au lit!


L'Ossau-Iraty est fabriqué un jour sur deux, en alternance avec la tomme de vache et la tomme mixte (2/3 lait vache - 1/3 lait brebis).

Vérification du taux de cellules (leucocytes) du lait: c'est un indicateur de l'état de santé général du troupeau, on détecte les maladies (les mammites par exemple) qui rendent le lait moins fromageable, moins coagulable.



Le lait de la traite au soir est conservé à 10° pour commencer la maturation avec la flore typique de la ferme pendant la nuit. Les ferments lactiques (lyophilisés, 80% mésophiles - 20% thermophiles) sont ajoutés à 7h du matin, juste avant le lait de la 2ème traite, car il leur faut 3h pour être actif (comme ça, ils le sont au moment de la mise sous presse). Ce matin la cuve contient 348l de lait de brebis.
Régine et Jean-Louis travaillent actuellement avec quelques autres producteurs sur leur levain personnel.



On ajoute 25ml de présure (dosage 530) pour 100l de lait à 30°. La coagulation dure 2 fois le temps de prise du caillé, soit 28 min en tout (2.5 fois le temps de prise pour la tomme mixte, et 3 fois pour la tomme de vache). Le caillé se décolle du bord, se fend. Le test de la boutonnière est positif (Si le caillage est trop long, l'eau ne s'évacue pas bien).




(Je sais, la vidéo est à l'envers!! débrouillez-vous, moi j'arrête!)
Le décaillage est automatisé: lent d'abord, il accélère peu à peu. Régine ramène le caillé du bord vers le centre à l'aide d'une pelle. Objectif: obtenir un grain de maïs de 5-6 mm.







Le chauffage à 38° dure 20 minutes, tout en brassant. Le grain qui était doux et lisse devient sec. Le test du pâton le confirme, ainsi que le caillé dans la paume qui ne tombe pas quand on renverse la main. On laisse reposer 5 min à la fin du brassage.



(Et oui, celle-ci aussi est à l'envers!)





Le petit lait est aspiré par une pompe (dilué avec de l'eau de pluie, il sera épandé dans les champs) et on commence un pré-pressage dans la cuve en resserrant le caillé avec une grille. Le moulage se fait dans la cuve, ainsi que le premier retournement (avec toile pour éviter le marquage des petits trous sur le talon du moule).





Les moules sont mis sous presse 4h avec un retournement à la fin du nettoyage du labo, et un autre lors du démoulage à J+1, où ils sont marqués.








A J+2, direction un premier saloir (13-14°): les fromages prennent un bain dans la saumure (35kg de sel pour 100l d'eau), avant égouttage sur grille pendant un jour. Ils sont lavés et déposés sur planche où ils seront frottés tous les 2 jours pendant 3 à 4 semaines. Puis ils passent dans un 2ème saloir à 11-12° où ils seront morgés une fois par semaine. 




Les 2 saloirs sont à 95% d'humidité, où Brévibactérium Linens est venue toute seule (elle a besoin d'ammoniaque pour se développer et elle en rejette aussi, d'où l'odeur puissante dans le saloir du fond).




















Il aura fallu 28l de lait pour faire un fromage de 4.5kg, qui sera affiné au minimum 5 mois. 200 des 1200 Ossau-Iraty sont poussés à 15-16 mois. Les tommes mixtes sont quant à elles affinées entre 4 et 10 mois.



Merci à Alix et Joris pour les photos!