samedi 22 juillet 2017

Le broudche



Héhéhé, je ne vous cacherais pas ma satisfaction d'être arrivée hier en Corse dans un cadre enchanteur. Et hop, à peine posée, je ne résiste pas à l'appel des biquettes et des brebis de l'île. Il existe pour chacune une race endogène. Je ne sais pas pour les brebis mais les chèvres de race corse sont aujourd'hui en sauvegarde (si ça vous amuse, vous pouvez parrainer une caprette di Corsica pour 50 euros sur le site www.afcumani.org).

Grâce à elles, nous pouvons nous régaler de délicieux fromages "déments", vous savez, ceux qui font exploser les bateaux (je vous invite à relire Astérix en Corse!!).








Hier, j'ai été reçu dans le Nebbiu, en plein maquis corse, par Patrick, qui fabrique depuis 9 ans des fromages de chèvre et de brebis. Associé à la famille de Jean-Noël, ils gèrent 120 brebis et plus de 500 chèvres. Je n'ai malheureusement pas pu les voir car elles pâturaient au loin, à se régaler du susdit maquis, agrémentée d'un peu de foin de Crau (celui de la plaine de Crau, à côté d'Arles). En pleine saison, avec leur machine à traire qu'ils déplacent jusqu'aux bêtes, c'est 2h tous les matins et 2h tous les soirs pour traire tout ce joli monde.
En ce moment, c'est la fin de la saison, les brebis ne donnent plus de lait, et les chèvres ne vont pas tarder à suivre. Moins de rendement donc, et un lait moins gras; les chèvres boivent beaucoup, ça dilue le gras contenu dans le lait et rend le lait moins fromageable. Hier, Patrick a moulé 69 fromages frais alors qu'en hiver, il en fait 80 avec le même litrage.
Le rendement est également très différent entre le lait de brebis et celui de chèvre. Une brebis va donner 0,7l de lait par jour contre 5l pour une chèvre. Mais pour faire un fromage équivalent, on utilise 2,5l de lait de brebis pour 4l de lait de chèvre.

Ici, on fabrique du fromage frais, des tommes (pâte pressée non cuite, c'est la même méthode que pour l'Ossau-Iraty, souvenez-vous), des pâtes molles à croûte fleurie affinée 3 mois - ces dernières ont la particularité d'être lavée à l'eau avant la consommation, ce qui leur confère une croûte blanche virant à l'orange clair - 





et du brocciu (pour passer pour un Corse, demandez du broudche!), sujet principal de cet article.

Je vous montre rapidement la fabrication du fromage frais, étape indispensable pour récupérer le lactosérum ou petit-lait, lui-même indispensable pour fabriquer le broccio. Bien qu'en fait, c'est plutôt dans l'autre sens qu'il faut voir les choses. On fait du fromage, il reste du petit-lait, et pour ne pas gâcher, on en fait du broccio.

Le lait est mis à cailler avec de la présure, puis le caillé est décaillé en petit grain

après le moulage, le salage

et voilà le travail! pendant ce temps là, 
le lactosérum est déjà mis à chauffer.

Une autre particularité de ce domaine, c'est l'écoulement de la marchandise: tout est vendu à des particuliers, avec livraison à domicile ou au marché deux fois par semaine. C'est étonnant, je suis passée devant leur stand ce matin à Bastia, sont présentés sur une table un fromage de chaque fabrication, et le reste attend gentiment au froid dans la voiture réfrigérée. On se s'encombre pas avec une vitrine d'exposition réfrigérée et la chaîne du froid dit merci, surtout quand il fait 30 degrés!


Les chats de la maison sont bien vus,
ils ont droit aux chutes de caillé

Revenons à nos moutons, et à nos biquettes, pour parler du broccio. Ce fromage qui se consomme frais ou passù (plus de 21 jours d'affinage) est le seul fromage AOP de Corse. Il est réalisé indifféremment avec le lait mélangé ou non des 2 bestiaux. Ceux qui suivent auront compris que dans le cas présent, il est au lait de chèvre.


Le broccio tout juste fabriqué est déjà retourné,
il sera prêt pour la consommation le lendemain.

Avant de parler fabrication, une petite histoire autour de ce fromage de lactosérum (je vous ai déjà expliqué, je ne reviens pas sur la brousse, le breuilh, le sérac...). La légende raconte que c'est un vieux sorcier dans les montagnes qui faisait le broudche, à la grande jalousie des bergers des environs. Il n'a jamais voulu leur confier la recette de son plein gré, ce qui a causé sa perte. Les bergers l'ont tué après lui avoir arraché son secret!


Le lactosérum est mis à chauffer dans cette cuve de 230l pour atteindre la température de 90 degrés. Pendant la cuisson, le balai brosse que vous voyez au dessus tourne au fond de la cuve pour répartir la chaleur et empêcher le petit lait d'attacher. Ce petit lait est salé et on ajoute environ 10% de lait entier.

Petit à petit, les protéines de lait remontent à la surface et s'agglomèrent: ça floconne!






On arrête la cuisson et la rotation de la brosse pour ne pas casser tout ça et on commence la mise en moule. On procède très délicatement avec une écumoire, et on remplit les moules par strate successive. J'ai eu la chance de pouvoir participer à cette étape cruciale!



J'ai été impressionné par la quantité de broccio qui remonte à la surface de la cuve, une bonne quinzaine de cm d'épaisseur. Nous avons pu en mouler 45.









En quelques minutes, le petit lait s'est suffisamment évacué pour permettre le retournement. Dès le lendemain, le broccio est prêt à être dégusté face à la mer au petit déjeuner, au goûter... arrangé comme du fromage blanc (ce matin, c'était confiture de figues, demain je teste avec du miel), ou salé (demain, ce sera dans des cannellonis broccio-blettes, et bientôt en omelette avec de la menthe). 





Et voilà, le broccio au miel! miam miam!!
Bonnes vacances à tous!

jeudi 6 juillet 2017

Parmigianoooooooooo

Pour finir en beauté mon stage à Annecy, j'ai eu le plaisir d'assister à une ouverture de parmesan dans les règles de l'art. 4 couteaux adaptés et le tour est joué, tout en douceur, pour profiter de cette délicieuse AOP italienne que nous connaissons tous.


Ici, le fromage est âgé de 3 ans. Il a eu le temps d'acquérir ce côté cassant et granuleux très recherché. En italie, il est exclusivement destiné à la cuisine, alors que de notre côté des Alpes, nous aimons aussi le déguster sur un plateau.



 Comment fait-on pour ouvrir cette meule d'une trentaire de kilos?



D'abord, on incise la croûte sur les 4 côtés avec un petit couteau conçu pour ça.


Et ensuite, on poignarde!! gnarck gnarck!! On plante les 3 couteaux dans la face supérieure, puis on les décale d'un bord à l'autre.







Et là, c'est magique: on place le fromage au bord de la table pour mettre une moitié au-dessus du vide, on tend les bras et il s'ouvre en deux tout seul! Je n'ai pas pu filmer ou photographier car j'étais subjugée par la méthode.


C'était mon dernier stage, la formation est finie. Je n'ai pas vu passer cette année si riche en apprentissage, en rencontres, en déplacements... Mes yeux et mes papilles ont fait le plein! Je vous disais dans mon premier article que je pensais avoir pris la bonne décision, aujourd'hui je vous le confirme: c'est le bon choix!!
Comme mon envie d'apprendre est loin d'être épanchée, je vais profiter de l'été pour continuer mes visites chez les producteurs, me familiariser avec les différentes technologies de fabrication, et pourquoi pas trouver mes futurs fournisseurs pour ma future crémerie!
Affaire à suivre donc...