jeudi 19 octobre 2017

Maillot jaune




C'est par un petit matin brumeux que je suis arrivée à Soumaintrain pour assister à la fabrication du fromage éponyme. Je suis à la limite de la Bourgogne et de la Champagne (entre l'Yonne et l'Aube). C'est la première étape de mon modeste tour de France des producteurs, et j'attaque fort avec cette croûte lavée, cousine de l'Epoisses. Mais contrairement à celui-ci (car non, il n'y a pas de faute, on dit un Epoisses), le Soumaintrain n'est pas lavé au marc de Bourgogne mais à l'eau, salée ou non, ça dépend des fois.


Le Soumaintrain a obtenu son IGP en 2016, vous risquez de le croiser plus souvent dans les bonnes fromageries et uniquement là: il ne reste que 5 producteurs fermiers (et 3 industriels, mais ça on s'en fiche) et un affineur. 
L'affineur se voit livrer des fromages dits "en blanc", c'est à dire très jeunes, auxquels il prodigue tous les soins nécessaires au développement des qualités organoleptiques des fromages, en commençant par respecter la durée d'affinage minimale.

Dans cette ferme, on fabrique le Soumaintrain depuis bientôt 30 ans. Tout a commencé avec Belle-Maman qui transformait le lait de ses quelques vaches dans son garage. Aujourd'hui, le fiston possède près de 100 Montbéliardes, qui patûrent gentiment autour de la ferme, sans ensilage et bientôt sans enrubannage (il construit un séchoir en grange: ça sèche le foin et le conserve idéalement, sans fermentation).


C'est Anne, sa femme, qui gère la transformation des 320.000 litres de lait annuel avec l'aide de 5 employés dans un atelier récent, fonctionnel et surtout très très respectueux des règles d'hygiène (car on ne plaisante pas avec le lait cru, et encore moins avec les croûtes lavées).

J'ai eu la chance de pouvoir mettre la main à la pâte en moulant des Soumaintrains et en les lavant. Tout commence à 5h avec l'arrivée du lait, celui du matin, qui réchauffe celui de la veille au soir. Les ferments lactiques ont commencé à matûrer dans la nuit, on ajoute un peu de présure, on tranche grossièrement le caillé pour commencer à évacuer le petit lait avant le moulage. 
Pour ceux que je n'ai pas perdu, il s'agit donc d'un caillé....lactique!! car la présure est juste là pour aider un peu le caillé à coaguler.






S'ensuit une succession de retournements et de salages. Finalement, le Soumaintrain sera lavé 6 fois pendant les 21 jours d'affinage, la première fois dans de l'eau salée, ensuite dans de l'eau "nature". Et retourné tout autant.




Anne et son équipe fabrique aussi des yaourts, du fromage blanc, des fromages frais aromatisés, et des Chaources (la fabrication est identique, on ajoute en plus du Pénicillium Camemberti dans le lait pour la croûte et le goût. Ceux-ci sont ensuite placés dans un hâloir très ventilé pour bien répartir le développement de Camemberti - et oui, c'est la même moisissure que sur le Camembert). 



Et hop, un pique-nique 3 étoiles avant de filer visiter Troyes et ses maisons à colombages!




Le lendemain, j'avais rendez-vous chez le dernier producteur fermier (et donc au lait cru) de Langres, autre fromage à croûte lavée, connue pour son creux appelé fontaine. Cette petite appelation ne compte d'ailleurs que 2 producteurs industriels.














Le fromage se creuse car dans le cahier des charges, on n'a droit qu'à 2 retournements, qui sont opérés tout de suite après le moulage. Voici une petite vidéo de la fabrication, assez étonnante chez un producteur fermier car de nombreuses tâches sont automatisées. Il faut dire que c'est une grosse machine: 5 associés et 7 salariés, 110 vaches, 6000 litres de lait transformés un jour sur deux. 





Et toujours cette recherche de qualité (les affinages des 2 formats - le petit et le grand à la coupe - sont prolongés de 3 jours supplémentaires et absolument pas obligatoires, ce qui donne 18 et 21 jours, et non 15 et 18). Si votre crémier travaille bien, c'est forcément ce Langres qu'il vous proposera. Le Gaec écoule également sa production en vente directe et à Rungis.

Comme pour le Soumaintrain, il s'agit d'un caillé lactique mis à prématurer la veille avec différentes bactéries (Geotrichum et Brevibacterium Linens, si vous voulez tout savoir) qui participent chacune à leur façon à la formation et la couleur de la croûte. 




Le caillé est légèrement emprésuré à 5h du matin (ça n'est pas un métier pour moi, ça c'est sûr!) et moulé 2 ou 3 h plus tard. On le retourne 2 fois vite fait, et on le démoulera le lendemain pour un premier lavage.
Tout le processus d'affinage se déroule sur place. Sur les photos, les fromages très rouge venaient d'être lavés, et pas les autres, d'où la différence de couleur.


Aprèc cette visite très instructive, il était temps de mettre le cap sur Dijon puis Besançon pour se rapprocher du roi des rois: le Comté!



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire