mardi 13 juin 2017

Le plus beau et le plus fort


C'est bien sûr le "beaufort d'alpage"! et pourquoi c'est lui le plus beau? car il est fabriqué à plus de 1500m d'altitude entre juin et octobre, avec le lait de vaches des races tarine et abondance qui broutent plein de bonnes fleurs de montagne. Si vous croisez du "beaufort"  tout court, c'est qu'il est fait avec du lait d'hiver. Il sera bon quand même, mais un peu moins aromatique que celui dont je vous parle présentement. La tarine est la race locale (petite, elle est bien adaptée aux pentes), alors que l'abondance est plutôt haute-savoyarde. Car j'ai omis de vous dire que nous sommes en Savoie, dans la vallée de la Tarentaise, à la limite de la liaison avec la vallée de la Maurienne.

L'avantage avec les vaches, c'est qu'on les repère de loin!!




Dans cet alpage à 1740m d'altitude, deux bergers gèrent les 100 tarines du troupeau et les 40 abondances prises en classe verte. La traite est mobile, elle suit les vaches et prend 2h matin et soir aux bergers. Voici à quoi cela ressemble (photo prise sur la route, ça n'est pas la traite de notre alpage):


Le lait est ensuite apporté à la fromagerie et directement versé par gravité dans la cuve en cuivre pour la fabrication. Car le beaufort d'alpage est transformé après chaque traite et ne se fabrique qu'au lait cru, bien entendu!




Voici la vue depuis la salle de fabrication:





Le surplus de lait entre 2 fromages est stocké au frais, et on commence la fabrication (comptez 2 bonnes heures à chaque fois).




Le lait est emprésuré à la caillette de veau (séchée, découpée, elle est mise à diluer dans de l'eau à 44° pendant une nuit) et au repiquage (c'est le petit lait récupéré après la fabrication du sérac - version locale du fromage de lactosérum appelé brocciu en Corse, qui lui aussi est mis à fermenter un moment à 44°) pendant 30 minutes. Pas de ferments du commerce, ce qui fait la typicité de ce fromage!

Petit aparté étymologique: les aides fromagers ici étaient d'ailleurs appelés les séraciers!

Je ne rentre plus dans les explications, vous connaissez aussi bien que moi toutes les étapes de fabrication maintenant!
Quand le caillé commence à prendre (il est moins ferme qu'en reblochon, on veut un grain taille de riz le plus ressuyé possible pour faire un fromage de garde), on décaille quelques minutes avant de lancer le brassage (automatisé dans le cas présent).




Puis on commence à chauffer. Le lait était à 33° à la sortie du tank, on va monter jusqu'à 54° (dans le comté, on monte à 56° et dans le parmesan à 61° pour faire des affinages plus long).






On brasse encore entre 20 et 40 minutes après avoir atteint la température souhaitée, chauffage coupé. Le lait refroidi à peine d'un degré pendant ce temps. L'objectif est toujours de bien essuyer le caillé.



On enlève un peu de petit lait pour faciliter le soutirage à la toile du caillé (souvenez-vous de l'abondance et de l'étivaz).




Puis on soutire, et là c'est physique (comme tout la fabrication d'ailleurs), car à la sortie de la cuve avec le poids du petit lait, notre future meule de 40kg en pèse le double!







Puis on moule (2 fromages le soir et 3 le matin). Les fromages sont mis sous presse et retournés 5 fois en 12h, une fabrication chassant l'autre, avant de rejoindre la cave d'affinage (12° et 90% d'hygrométrie).














Ils resteront dans leur moule 12h de plus puis direction le bain de saumure pendant 24h. Ils seront ensuite frottés un jour sur deux. Dans cette cave d'alpage, on compte 100 places soit 15 jours de fabrication. Redescendus dans la vallée, ils seront revendus dès la durée minimale d'affinage de 150 jours atteinte, à un affineur qui le poursuivra (car il faut attendre au moins un an pour commencer à savourer à son plus haut potentiel un beaufort d'alpage, voire 2...).
Autant dire que les journées sont longues pour notre fromager et que tous les hommes et les soins qui participent au beaufort en font un fromage d'exception (qui peut justifier son prix...)

Pour ne pas vous faire arnaquer, voici les plaques d'identification du beaufort: la plaque de caséine bleue (elle devient verte avec le temps identifie le beaufort d'été, et le carré rouge à l'opposé du talon concave, le chalet d'alpage). S'il n'y a rien, c'est du beaufort au lait d'hiver.





Après cette belle expérience, il était temps de redescendre dans la vallée, sous le regard curieux d'une abondance!



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