mardi 29 août 2017

Le Saint-Nectaire, j'en fais mon affaire!



Je n'ai pas résisté à l'appel de mon ami Alix (lui aussi CQP crémier) pour le rejoindre en Auvergne, et plus précisement vers Saint-Nectaire, autour de la magnifique région de Mont-Dore (rien à voir avec le fameux Mont d'or dans sa boîte en épicéa, lui, il est du Doubs) et du Puy de Sancy.



J'ai visité plusieurs exploitations et retiendrai particulièrement celle du Bois Joli. D'abord, parce que ce nom bucolique à souhait invite à la rencontre, ensuite son patron est très investi dans l'interpro du Saint-Nectaire pour faire monter en qualité le cahier des charges, et enfin, ils ont de loin le meilleur Saint-Nectaire jamais goûté!




Ici, 11 personnes s'affairent pour produire et affiner la star locale dans les meilleures conditions. Je vais vous rabâcher les oreilles avec le cahier des charges car le Saint-Nectaire est une AOP, donc on ne fait pas n'importe quoi!

Les vaches sont nées et élevées dans la zone (une partie du Puy de Dôme et du Cantal), c'est obligatoire. Rien n'est précisé pour la race. Ils ont choisi la Montbéliarde, car elle est bien adaptée au climat et au relief. C'est important car elles broutent dans les verts pâturages 170 jours par an. Elles participent ainsi au maintien de la biodiversité des prairies, qui seraient devenues forêts sans leur entretien en défrichage, et transmettent au lait ce goût inimitable de "vert" et de fleurs (ce qui a enfin été prouvé scientifiquement récemment).




Elles sont bien vues par la maison car sur les 250 hectares qui leur sont consacrés, elles ont droit à 3 altitudes de pâturages, l'estive à Super Besse de juin à octobre, une autre zone à 1000m et enfin autour du Gaec.

Quand une vache met bas 2 ou 3 fois dans une vie industrielle pour finir à l'abattoir à moins de 5 ans, ici elles donnent naissance à 8 ou 9 veaux, et vivent entre 12 et 14 ans. Les naissances sont programmées pour avoir 2 périodes de velage et ainsi répartir la production de lait toute l'année. Elles donnent en moyenne 20 litres de lait par jour.


Les veaux restent à l'étable,
il fait trop chaud pour eux dehors

Là où le Bois Joli va plus loin que le cahier des charges, c'est parce qu'ils soignent les bêtes à l'homéopathie (j'ai été sciée d'apprendre dans une autre exploitation qu'une de leur vache avait une insolation!!) et qu'ils les nourrissent sans ensilage ni enrubannage (la suppression était prévue dans le nouveau cahier des charges de mai 2017, mais n'est finalement pas passée... Par contre, les OGM ont bien été interdits dans l'alimentation des bêtes).

L'appelation a été la première (et seule pour l'instant, me semble-t-il) à mettre en place un système de collecte pour récupérer le petit lait. Vous savez, c'est le liquide qui reste dans la cuve quand le fromage a caillé. Tout le monde ne fait pas de brocciu avec. On peut s'en servir pour nourrir les veaux et les cochons, ou faire du lactose en poudre, mais en aucun cas le jeter dans la pampa, c'est polluant!


Je vous épargnerai les étapes de fabrication, c'est une PPNC: pâte pressée non cuite, nous avons déjà vu comment on fait. La différence majeure avec les autres fromages, c'est cette croûte grise légèrement duveteuse (piles de droite sur la photo), que l'on peut aussi croiser un peu rosée ou virant au blanc (piles de gauche).















Il s'agit du mucor, appelé aussi poil de chat, un charmant champignon qui donne ce goût de.... champignon (et oui, bravo!) et de terre à la croûte. Croûte qui se consomme sans problème, c'est juste une question de goût.

Il faut 13 à 14 litres de lait pour faire un fromage d'1,5 kg environ. L'affinage minimal est de 28 jours (4 semaines). J'ai aussi goûté celui de 6 semaines, et comme je n'arrivais pas à choisir mon préféré, j'ai acheté les deux. J'ai une légère préférence pour le premier car plus crémeux, au goût prononcé de beurre et de crème, le second est plus aromatique, un tantinet plus goûteux et ferme.

Le Saint-Nectaire est la plus grosse appellation fermière avec 240 producteurs. Malgré tout, la demande est tellement forte (il est dans le top 5 des ventes en crémerie) que vous le trouverez souvent jeune en boutique. Les producteurs n'ont pas le temps de l'affiner davantage. En parlant d'affinage, sachez que l'une des particularités du Saint-Nectaire, comme son cousin le reblochon, c'est d'être vendu "en blanc" (c'est à dire au bout de quelques jours, avant que le croûte grise de mucor ne se développe) par les producteurs, à des affineurs spécialisés, mieux équipés pour ça (cave ou tunnel d'affinage). Ainsi, pour mieux répondre à la demande et contrôler eux-mêmes la qualité des fromages, le Bois Joli est devenu affineur pour 3 autres producteurs.

La carte de leurs points de vente
Un autre point important du cahier des charges: les fabrications fermières sont obligatoirement au lait cru, contrairement aux laitières. Petit rappel: les fromages fermiers sont fabriqués sur le lieu d'exploitation avec le lait du seul troupeau de la ferme. Dans le Saint-Nectaire, on n'a pas le droit ni de refroidir le lait ni de le réchauffer après la traite, ce qui signifie que l'on transforme 2 fois par jour, après chaque traite (comme pour le reblochon fermier, le beaufort d'alpage, et le Salers tradition). Les laitiers ont récolté le lait de plusieurs troupeaux, qu'ils ont le droit de refroidir ou réchauffer, pour le transformer dans les 48h. Celui-ci n'est évidemment plus cru mais pasteurisé.
Pour vous y retrouver, cherchez la pastille de caséine. Elle est verte pour tous les Saint-Nectaire et ovale pour les fermiers, carrée pour les laitiers. Le problème étant qu'avec le développement de la croûte, on ne la voit plus, elle devient grise, et il n'y en a qu'une par fromage, il faut tomber dessus. De toute façon, la question ne se pose pas car je sais que désormais, vous achetez tous votre fromage chez un commerçant sympathique et compétent, votre crémier!!


Délicieux tel quel à l'apéro ou en fin de repas, je vous conseille aussi cette recette simplissime en fondue: dans un ramequin, alignez quelques tranches de fromage, saupoudrez de noisettes grossièrement concassées, et hop au four! Servez frémissant avec des pommes de terre et du jambon de pays. Un régal! (La salade est là pour se donner bonne conscience).


Après Saint-Nectaire, direction Ambert et sa célèbre fourme. Même la mairie d'Ambert en a pris la forme!




Nous sommes toujours dans le Puy-de Dôme, à l'Est, dans le Livradois-Forez, à la frontière de la Haute-Loire et de la Loire. Le paysage est un peu plus rude (même si présentement il faisait 37°), par moment ça m'a rappelé le Canada avec ces grandes forêts de sapins.




Je n'ai pas pu rencontrer de producteurs, il ne reste que 4 fermiers, très occupés et dont la production ne suffit pas à répondre à la demande. Si certains d'entre vous veulent se reconvertir, succès garanti en fourme d'Ambert et sa cousine, la fourme de Montbrison (une seule productrice fermière!!). On surnomme la fourme d'Ambert "la grande dame au coeur tendre" car il s'agit de la plus douce et crémeuse des pâtes persillées.




Heureusement, la maison de la fourme était approvisionnée, j'ai pu acheter un morceau fermier au lait cru. Pour être honnête, le fromage était un peu jeune à déguster nature. Mais avec Fatine, on ne s'est pas laissée abattre, on en a fait fondre dans une crêpe au jambon. En chauffant, les arômes de sous-bois de la fourme se sont révélés, nous nous sommes régalées!

Si tout va bien, la prochaine fois, je vous parlerai du picodon, petit fromage de chèvre de l'Ardèche et la Drôme.


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